D’après La Tribune, l’Arabie Saoudite et la Russie sont déterminées à pousser le prix du baril de pétrole vers les 100 dollars. Voilà qui ne va pas arranger les affaires de l’Europe et des États-Unis dans leur lutte contre l’inflation au moment où, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la demande mondiale de pétrole s'achemine en 2023 vers son "niveau le plus élevé jamais enregistré".

Mais attendez, et si c’était l’objectif poursuivi ? Les deuxième et troisième producteurs de pétrole au monde (le premier étant les États-Unis) ont, chacun pour des motifs différents, des raisons de s’engager dans cette voie. L’Arabie Saoudite de Mohammed ben Salmane ("MBS") s’éloigne du protectorat américain pour de multiples prétextes (condamnation de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018 notamment) et se rapproche de la Chine, puis même de l’Iran, l’ennemi juré (fin de la guerre au Yémen, où les deux pays s’affrontaient). MBS est l’un des principaux participants au mouvement de dédollarisation global en acceptant de recevoir des yuans en échange de son pétrole livré à Pékin, ce qui représente un véritable camouflet. Pousser l’inflation chez l’Oncle Sam via la hausse du baril constitue un moyen de pression supplémentaire.

De son côté, le Kremlin cherche à affaiblir ceux qui arment l’Ukraine : la Russie est de facto en guerre contre l’OTAN, c’est-à-dire les États-Unis et l’Europe, qui envoient des milliards de dollars et d’euros d’équipements militaires. Ces fournitures creusent les déficits budgétaires des deux côtés de l’Atlantique, ce qui va à l’encontre de leur objectif de réduction de l’inflation, étant donné qu'elles sont financées par la planche à billets, intrinsèquement inflationniste. L’augmentation du prix du pétrole rajoute en quelque sorte une deuxième couche. Ça commence à faire beaucoup et, effectivement, la hausse des prix reste forte et persistante aux États-Unis et dans l’UE. Le vieux continent est le plus touché en étant largement démuni de pétrole et de gaz.

Voici la contre-attaque de Poutine : mes matières premières, dont je regorge, contre 1) votre planche à billets et 2) votre dépendance au pétrole, ce qui ne peut se terminer qu’en catastrophe, spécialement pour l’Europe.

Au début de la guerre, les gouvernements mettaient volontiers l’inflation sur le dos de Poutine, mais il s’agissait d’un mensonge pour les absoudre de leurs responsabilités (la gigantesque planche à billets durant le Covid). Désormais, cela risque de devenir partiellement vrai, ce qui constitue une très mauvaise nouvelle. L’Europe a le plus à perdre : faiblement dotée en matières premières, refusant d’exploiter son gaz de schiste, la hausse du coût de l’énergie fait chuter sa compétitivité et accélère sa désindustrialisation (une partie de l’industrie allemande envisage de quitter le pays selon Euractiv).

Aligner les déficits budgétaires, les emprunts, les dons à l’Ukraine, le tout financé par la planche à billets dans un contexte de récession et de désindustrialisation, trace une voie directe vers la forte inflation et la ruine. Un peu de jugeote géopolitique ne serait pas de trop.

De pure variable économique, l’inflation va aussi devenir un enjeu géopolitique à travers la guerre Russie/OTAN, la dédollarisation et un monde de plus en plus multipolaire. Il est vital d’en prendre conscience et d’agir de façon globale, sinon ça va très mal se terminer, particulièrement pour nous Européens.

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