Les produits dérivés sont des instruments qui permettent de se couvrir contre les fluctuations des matières premières, des devises, des taux et des actions. Ces assurances proposées par les banques, sont utilisés à tire-larigot par les spéculateurs pour décupler leurs profits. Les banques encaissent les primes, mais au bout du compte ce sont les gens ordinaires qui finissent par subir les pertes.

Après la deuxième guerre mondiale, le dollar est intronisé comme la devise d'échange du commerce international à Bretton Woods. Pour rassurer la communauté internationale, le dollar est convertible à tout moment en or. La valeur du dollar est ainsi fixe en fonction de la valeur de l'or !

La stabilité apparente du dollar permet un essor du commerce international. Mais les États-Unis vont abuser de leur pouvoir, en créant des quantités de dollars démesurées par rapport à leurs réserves d'or.

La guerre froide, la conquête spatiale, la guerre du Vietnam, etc., coûtent cher aux États-Unis, qui profitent de "leur privilège exorbitant" de pouvoir battre monnaie pour se financer gratuitement sur le reste du monde. Le Royaume-Uni et la France se rendent compte du danger.

En 1965, le général de Gaulle fait un discours remarquable : "Le fait que beaucoup d'Etats acceptent par principe des dollars au même titre que de l'or (...) entraîne les Américains à s'endetter et à s'endetter gratuitement vis-à-vis de l'étranger". 

 

 

Les États signataires des accords de Bretton Woods comprennent le danger et convertissent de plus en plus leurs dollars en or. Face à la chute des réserves d'or américaines, Nixon annonce en 1971 la fin des accords de Bretton Woods !

Le dollar n'est plus adossé à l'or ! Il devient flottant, et les autres devises aussi.
Les agents qui opèrent sur les marchés de devises et de matières premières perdent leurs repères, et les fluctuations des prix deviennent néfastes pour l'économie internationale.

En 1973, face à la baisse du dollar, c'est le premier choc pétrolier. Les effets sont considérables pour les économies non productrices de pétrole. La finance en profite pour proposer des instruments de couverture. Simples au départ, ils se complexifient de plus en plus au fil du temps.

C'est alors le boom de l'ingénierie financière et des produits dérivés. Les ingénieurs délaissent petit à petit l'industrie pour profiter d'un secteur en plein essor. La France est d'ailleurs à la pointe dans ce domaine.

Au passage, remarquons que ce désordre a été initialement provoqué par un abus de confiance des États-Unis. La création monétaire abusive et la dette sont encore une fois à l'origine de turbulences néfastes pour les équilibres en place.

La fin de la convertibilité du dollar en or ouvre la porte à une course internationale à l'endettement. Pourquoi se gêner s'il n'y a plus de limite qui nous rattache au réel. La finance, qui est la science de l'endettement, va connaître à partir de là un essor considérable !

Alors que les produits dérivés sont au départ des produits de couverture contre les fluctuations des prix des devises et des matières premières, les banques et la communauté financière vont en faire de plus en plus des produits de spéculation.

À partir des années 90, c'est l'âge d'or des golden boys et de l'argent facile. Les produits deviennent de plus en plus sophistiqués et de moins en moins liées à l'économie réelle.

Aujourd'hui, le produit phare et le plus échangé est le VIX. Cet instrument permet de mesurer l'estimation de la volatilité future de la bourse américaine (S&P500).
Tous les jours, des milliards s'échangent sur un instrument complètement déconnecté de notre quotidien.

Aujourd'hui, la taille des produits dérivés est devenue démentielle !
1.200.000 milliards de dollars de nominal ! 15 fois la valeur de toutes les entreprises mondiales cotées !

 



Même si ce chiffre démesuré ne mesure pas l’exposition réelle, car d’une part les risques de certains produits se compensent entre eux, et d’autre part certains produits n’ont plus aucune sensibilité aux fluctuations des marchés, l'intelligence humaine n'est même plus en mesure de s'imaginer l'ordre de grandeur de ce casino géant.

Durant la crise de 2008, pour l'industrie des dérivés, il ne faisait plus de doutes que l'activité des produits dérivés accentuait les mouvements boursiers, amplifiant ainsi la crise bancaire, mettant en danger l'économie réelle.

La nature même des produits dérivés fait que plus les marchés baissent, et plus les risques à couvrir explosent, et plus les traders doivent vendre pour diminuer les pertes de leurs portefeuilles au cas où la bourse continuerait de baisser.

Ce cycle infernal qui se nourrit de lui-même, fait penser à un serpent qui se mange la queue. Les produits dérivés sont tel un volcan endormi la plupart du temps, mais quand il se réveille, plus rien ne peut l'arrêter !

Ce monstre est le fruit de l'intelligence humaine. Mais tel le monstre de Frankenstein qui se retourne contre son maître, rien ne peut l'arrêter quand il se met en action.

Comme en Octobre 2008, ou Mars 2020, la baisse brutale et sans fin des marchés met en danger le bilan des banques et terrorise les possédants. Les banques ne peuvent plus prêter à l'économie réelle. La confiance est au plus bas. La société est en danger. Le monde est en danger.

Le seul moyen "intelligent" trouvé par ceux qui contrôlent ce système pour arrêter l'hémorragie, c'est de créer de la monnaie à partir de rien, de l'injecter dans les marchés financiers via le circuit de la dette, tout en sachant qu'il finira par ricochet dans le marché boursier.

Grâce à cette intervention, les bourses remontent, les spéculateurs et les banques sont sauvées, les possédants retrouvent le sourire. Mais les dégâts sur l'économie, eux, sont bien réels : l'État français a connu un trou de 700 milliards d'euros faisant suite à la crise de 2008.

Ce ne sont pas les banques et les spéculateurs qui en ont payé les conséquences, mais les contribuables français, les fonctionnaires, nos écoles et universités, nos hôpitaux, et les usagers des services publics. Cette conséquence a un nom, c'est la politique d'austérité.

En résumé, les banques "couvrent" des agents économiques, et participent aussi avec d'autres spéculateurs à parier sur ces produits. Quand tout se passe bien ce sont bonus et dividendes pour cette élite financiarisée. Quand tout se passe mal c'est le peuple qui trinque !

La monnaie créée par la BCE ne sera jamais remboursée. Cette monnaie créée sert à éteindre le feu créé par les pyromanes de la finance. Mais il n'y a rien de magique dans ce monde. Tôt ou tard, d'une manière ou d'une autre, le peuple en paiera le prix !

Pour vous faire comprendre la nature toxique des produits dérivés, j'ai pris le temps de vous expliquer la cause historique de leur essor. Les produits dérivés se sont développés à la suite d’une rupture de confiance, à des accords non tenus par la première puissance mondiale.

Les produits dérivés se sont aussi développés à la suite d’une déconnexion du réel avec la fin de la convertibilité du dollar en or, et suite enfin à l'essor de l'endettement international.

Au lieu d'injecter des milliards pour sauver les possédants et les spéculateurs qui prennent en otage les peuples et l'économie, nous devrions plutôt penser tous ensemble à un nouveau système monétaire international, équitable, au service de l'économie réelle et de l'humain.

Source originale: Club de Mediapart

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