Même le Japon commence à relever ses taux ! Enfin, n’allons pas trop vite, c’est à la limite de l’imperceptible, bien que cela ait suffi pour faire trembler les marchés le 20 décembre.

La Banque du Japon (BoJ) ne relève pas son taux directeur, n’exagérons pas, mais elle va accepter que les obligations publiques à dix ans fluctuent entre -0,5% et +0,5% au lieu du plafond de 0,25% instauré jusqu’alors. Le taux à 10 ans – l’échéance de référence – va donc pouvoir dépasser les 0,25% et la Banque du Japon n’interviendra que s’il dépasse 0,50%, c’est-à-dire qu’elle achètera des obligations sur les marchés pour faire baisser ce taux. Ce n’est pas la révolution, nous sommes bien d’accord, surtout quand le taux à 10 ans est à 3,6% pour les États-Unis, 2,3% pour l’Allemagne, 2,8% pour la France et 4,4% pour l’Italie. Mais il s’agit d’un changement complet de stratégie de la part de la BoJ, qui a surpris les marchés obligations et actions du monde entier. "La Banque du Japon stupéfie les marchés en autorisant une légère hausse de ses taux" titre Les Echos.

Le Japon est connu pour sa politique budgétaire et monétaire ultra-laxiste. Le déficit public navigue entre 8 et 10% du PIB sur la décennie 2000-2010, puis il s’améliore ensuite un peu, avant de replonger avec les confinements et le Covid. La dette publique dépasse ainsi les 240% du PIB, record absolu des pays de l’OCDE (c’est le double de la France, pire que la Grèce !), et la Banque du Japon garde imperturbablement son taux directeur en-dessous de zéro. Comment une telle situation est-elle tenable depuis aussi longtemps ? La dette est souscrite en totalité par l’épargne japonaise, ce qui lève l’obligation de fournir des taux d’intérêt conformes au marché international, l’excédent commercial permet au yen de ne pas trop perdre de valeur, et l’inflation est contenue par les gains de productivité. 

Cette configuration est en train de disparaître : la balance commerciale est désormais tout juste à l’équilibre et l’inflation se met à sérieusement décoller depuis le début 2022 (4%, un chiffre très élevé là-bas). Le Japon étant complètement dépendant pour son énergie et les matières premières, il ne peut pas échapper à la vague de hausse des prix mondiaux. Le yen a dévissé par rapport au dollar depuis le début de la guerre en Ukraine, rajoutant ainsi de l’inflation importée. Alors que le mandat du gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, s’achève en avril prochain, les marchés pensaient être tranquilles au moins jusqu’à cette date, mais celui-ci a décidé de resserrer sa politique monétaire. La planche à billets éternelle, ça ne marche pas, et d’autres décisions de ce type devraient intervenir au cours des prochains mois.

Le Japon restait le dernier espoir de ceux qui veulent dépenser toujours plus d’argent public, en arguant que cela n’a aucune conséquence nocive. Rideau ! La japonisation n’est plus un modèle, l’inflation est partout, et relever les taux d’intérêt devient inévitable. Toute la dette que les politiques keynésiennes nous ont mis sur le dos risque de devenir trop lourde avec des taux d’intérêt plus élevés, et pourrait nous entraîner vers le fond. En effet, on voit mal comment les taux d’intérêt pourraient vraiment grimper durablement au Japon, en Europe et aux États-Unis, d’autant que les déficits budgétaires demeurent largement dans le rouge et que les deux premiers sont complètement dépendant de l’extérieur pour leur énergie.

Le Japon et l’Europe, qui ont trop attendu pour relever leurs taux d’intérêt, se prennent en pleine face la hausse des prix de l’énergie et des matières premières (pas le gaz pour le Japon cependant). C’est peut-être déjà trop tard : la crise va frapper et elle sera violente. Dans ce contexte, la première menace face à une dette devenue impossible à rembourser et des intrants (énergie, matière premières) en hausse, c’est une inflation élevée et durable, spoliatrice et destructrice. Voici le programme, pour au moins 2023…

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