"Les prix du gaz européen poursuivent leur décrue" titre Les Echos ; "Le mégawattheure se négocie actuellement à un prix près de cinq fois moins élevé qu'en août".

Alors c’est bon, la crise énergétique est terminée ? Non, ce n’est malheureusement pas aussi simple.

Le prix du gaz a explosé cet été, car l’Europe a voulu remplir ses stocks suite aux sanctions et l'arrêt de ses achats de gaz russe. Il fallait éviter la panne en plein hiver, et donc acheter en urgence, ce qui plaçait les vendeurs en position de force. Maintenant que les réservoirs sont pleins, le flux d’achat s’effondre et les prix avec, d’autant que l’hiver est particulièrement doux.

Mais cela ne va pas durer : les stocks européens ont une contenance d’environ deux mois de consommation. En conséquence, au printemps, il faudra reprendre les achats et le prix risque de bondir à nouveau…

 

 

Cette annonce montre que l’inflation va avec la volatilité, et donc avec l’incertitude, ce qui est destructeur pour l’activité économique.

Lundi 2 janvier, le groupe de conserverie et de plats préparés Cofigeo (William Saurin, Zapetti, Garbit…) a mis à l'arrêt ses quatre principaux sites de production pendant un mois après avoir vu ses factures d'énergie multipliées par dix. La récente baisse des prix de l’énergie va-t-elle le faire changer d’avis et redémarrer ses usines ? Quel prix de l’énergie sera appliqué au printemps ? Les dirigeants du groupe savent bien que les achats de gaz des pays européens redémarreront à cette période et que les prix grimperont. De combien ? Qui peut le savoir ? Comment diriger une entreprise dans ces conditions ? Et il s'agit ici seulement de la production, on ne parle même pas des investissements, qui sont rentabilisés sur 10 ou 20 ans.

Lorsque l'inflation est élevée, elle n’est jamais stable et devient incertaine, volatile. Un pays n’a pas "40% d’inflation", ou alors pendant quelques mois. Ensuite, ce chiffre monte ou plus rarement, il descend. Il est impossible de faire le moindre calcul économique à moyen ou long terme. L’inflation en Turquie s’élève à 64,3% au mois de novembre, après un record à 85% en octobre. À quel niveau sera-t-elle en décembre ? La baisse se poursuivra-t-elle ?

Une forte inflation est également très différenciée : certains secteurs, comme le numérique, y échappent presque, tandis que d’autres, dépendant de l’énergie, voient leurs prix exploser. Les distorsions sont énormes. La "redistribution des cartes" au sein de l’économie est brutale et massive, les capacités d’adaptation sont prises de court.

La politique économique devient aussi plus incertaine, plus brouillonne : l’Allemagne annonce 200 milliards d'euros d'aides pour endiguer la hausse des prix de l'énergie, mais quels sont les critères pour en bénéficier ? Toutes les entreprises se le demandent. En France, la facture atteint 150 milliards d’euros. Le gouvernement a choisi de privilégier les particuliers (seulement 15% de hausse du prix de l’électricité en 2023), au détriment des entreprises, grandes (le groupe de conserverie Cofigeo, la chimie, la métallurgie, qui souffrent beaucoup) ou petites (les boulangers, dont beaucoup se mettent déjà en cessation d’activité). Mais le gouvernement annonce de nouvelles mesures presque chaque jour (les boulangers pourront décaler le paiement de leurs impôts et cotisations sociales a annoncé Bruno Le Maire le 3 janvier). Comment diriger une entreprise dans ces conditions ?

C’est ridicule. Toutes ces dépenses pour limiter la hausse des prix de l’énergie creusent les déficits publics et la BCE, qui veut arrêter sa planche à billets (ne plus acheter les obligations souveraines), va être obligée de revenir sur son engagement.

 

 

L’incertitude rétrécit l’horizon temporel, on cherche d’abord à survivre. Les investissements, conditions de la croissance, attendront. Pendant ce temps-là, les gouvernements s’agitent et rajoutent le désordre à la crise. Bonne année 2023 malgré tout !

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