Quand on parle d’or, on parle de patrimoine, personnel et financier, qui inclut également de l’immobilier, éventuellement des œuvres d’art. Il existe aussi sous forme immatérielle, pour le savoir-faire ou les valeurs que l’on transmet. Mais on invoque aussi le patrimoine collectif, de nature économique certes, mais plus souvent culturel, celui d’une région, d’une nation, d’une civilisation ou du monde. À chaque fois, on a affaire à quelque chose qui n’est pas remplaçable, dont le caractère unique participe à la fascination que l’on ressent. D’où le sens d’une perte irrémédiable lorsqu’une œuvre disparaît ou subit de graves outrages. Nous sommes tous touchés – presque dans notre chair – par l’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris le 15 avril. Elle sera certes reconstruite, mais des éléments ont disparu à jamais, dont sa célèbre charpente en chêne du XIIIe siècle.

Tout n’est pas irremplaçable dans une société, de multiples choses sont reproductibles. C’est bien ainsi, cela favorise la "croissance", l’enrichissement, pour le moins économique. Mais il faut savoir garder un équilibre, et nous l’avons peut-être perdu. Dans le domaine culturel, justement, nos sociétés favorisent – au niveau de l’attention comme du budget – les événements "festifs", dont savait se moquer l’essayiste Philippe Muray (1945-2006). Chroniqueur de notre désastre contemporain, où le "festivisme" fait loi, il dénonçait l’Homo festivus, le citoyen moyen de la post-histoire.

Tous ces événements festifs, qui mettent en valeur les responsables politiques qui les lancent, ont de plus en plus grignoté le budget nécessaire à l’entretien du patrimoine, moins funny il est vrai. Cela fait des années qu’il aurait fallu restaurer Notre-Dame de Paris, mais l’argent manquait, voyez-vous. Et l’Histoire se rappelle brutalement à nous.

Cette dichotomie entre le patrimoine et le festif – où le premier devrait avoir prééminence sur le second – se retrouve dans le patrimoine financier, dans la monnaie elle-même, entre l’étalon-or et la monnaie-papier, simple signe abstrait détaché de tout référent depuis le 15 août 1971, date à laquelle Richard Nixon a déclaré la fin de la convertibilité entre l’or et le dollar. Ce signe qui flotte, imprimé en quantité par les banques centrales, qui alimente de gigantesques dettes publiques et privées, que vaut-il vraiment ? L’or, lui, on connaît sa valeur. Un tableau aussi, et ne parlons pas d’une cathédrale.

Déjà plusieurs centaines de millions d’euros affluent pour reconstruire Notre-Dame, venant d’ailleurs de grandes fortunes et d’entreprises plutôt que de l’État, dont c’est pourtant la mission. Mais cela restera bien modique par rapport aux milliards qui seront engloutis pour les Jeux olympiques de "Paris 2024" et son prévisible déluge de festivités. Il est temps de retrouver un sens des valeurs et une exigence de notre patrimoine, dans toutes ses dimensions.

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