Au cours de la campagne électorale, Donald Trump a accusé la Banque centrale de faire le jeu des démocrates en conservant des taux bas et en créant "une horrible bulle" financière. Trump avait estimé que la Fed gardait ses taux directeurs "artificiellement bas" afin de permettre au président Barack Obama de quitter le pouvoir sans avoir à faire face aux conséquences d'une hausse des taux, ajoutant que la présidente de la Fed, Janet Yellen, devrait "avoir honte d'elle-même".

Lorsque la Fed a baissé son taux directeur en réaction à la crise de 2008, puis l’a maintenu au plus bas les années suivantes, la plupart des économistes et des responsables politiques trouvaient cela très bien et considéraient que c’était ce qu’il fallait faire. Très peu de personnes critiquaient cette politique à l’époque. Maintenant tout le monde ou presque se rend compte qu’il s’agissait d’un piège duquel il sera très difficile de sortir.

Les Etats sont surendettés, mais les taux bas, et même négatifs dans certains cas, rendent cette charge indolore : la dette augmente mais la charge des intérêts demeure stable ou diminue, formidable, endettons-nous encore plus ! Mais si les taux grimpent soudainement, les budgets s’enfoncent encore plus dans le rouge et c’est l’étranglement. Les banques, les assureurs et les fonds de pension possèdent dans leurs bilans de grandes quantités d’obligations souveraines, qui verront leur valeur s’effondrer si les taux remontent rapidement, les pertes seront gigantesques et mettront en péril le système financier. Sans compter les produits dérivés dont la plus grande part sont indexés sur les taux d’intérêt.

Donald Trump a eu raison de mettre les pieds dans le plat lors de la campagne électorale et de dénoncer les effets délétères des taux bas, il mettait ainsi sur la place publique des critiques qui se diffusaient et prenaient de plus en plus de poids. Mais maintenant, que va-t-il faire de sa victoire dans ce domaine ? Si Janet Yellen remonte trop brutalement les taux en décembre, elle provoque une crise financière qui paralyserait les premiers pas de l’administration Trump, qui prendra effectivement le pouvoir le 20 janvier. Ce serait un sacré croc-en-jambe. Si des "forces occultes" voulaient planter Trump, voici comment elles s’y prendraient.

Il importe donc, pour la nouvelle administration, et en accord avec la Fed, de relever graduellement les taux, de façon à se donner le temps de voir ce qui "casse" ici ou là, pour pouvoir colmater la brèche. Mais le secteur financier, depuis si longtemps drogué aux taux zéro, peut-il supporter un retour à la normale ? Rien n’est moins sûr. Et une telle politique nécessite de réduire la dépendance de l’Etat fédéral à la dette, c’est-à-dire de diminuer son déficit, sinon les équilibres budgétaires deviendront insoutenables, mais le nouveau président n’a jamais affiché une telle priorité. Trump va augmenter la dette américaine de façon exponentielle prévoit Egon von Greyerz, et effectivement, inverser la tendance dans ce domaine relèverait de l’exploit.

Faisons une prévision : Donald Trump et Janet Yellen vont se réconcilier et continuer cette politique de taux bas, avec une remontée très lente et très mesurée de façon à sauver les apparences. Ce n’est vraiment pas la peine de provoquer une crise de type 2008 en pire pour remonter des taux qui ne constituent pas, c’est le moins que l’on puisse dire, une donnée électorale majeure, contrairement au chômage et à l’emploi industriel.

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