Pour comprendre le prix de l’or, il faut tenir compte de l’offre totale, et pas seulement de l'offre nouvellement émise sur le marché dans l’année, la semaine ou le mois précédant. L’offre d’or est constituée de toute l’offre existante, et la demande qui compte est la demande totale, et pas seulement la nouvelle demande sur le marché pour une année en particulier. Il existe toujours un grand stock d'or qui ne diminue jamais. La majeure partie de l’or extrait durant toute l’Histoire existe toujours, sous la forme de lingots, de pièces ou de bijoux. Dans la plupart des cas, lorsqu’un acheteur se procure de l’or, cet or passe des mains du vendeur à celles de l’acheteur.

La demande d’échange s’exprime en offrant quelque chose en échange pour obtenir le bien désiré, et la demande de conservation est exprimée en conservant ce que vous possédez. Les gens qui détiennent de l’or expriment cette demande en conservant cet or hors du marché. L’or, au contraire des matières premières, n’est pas consommé et, donc, les modèles et théories traditionnels ne s’appliquent tout simplement pas. Les déficits ou les excès ne peuvent, et n’affectent pas le prix du marché, pour la simple raison que rien n’est consommé. En un sens, tout ce qui arrive sur le marché est que l’or se déplace du stock d’une entité (la compagnie minière) vers celui d’une autre (l’investisseur). Il n’y a pas de vraie consommation d’or en termes économiques; les stocks d’or ont augmenté à travers l’Histoire, mais ils le font à un rythme décroissant et ils sont maintenant essentiellement constants, tandis que la propriété passe d’un parti à un autre.

C’est pour cette raison qu’il est très important de comprendre le stock d’or. Si l’on accepte les estimations de Thomson Reuters GFM de 176,000 tonnes d’or hors terre, alors l’or nouvellement extrait (la production minière) ne répresente que 1,62% du stock mondial, et le marché de l’or ne représente que 2,53% du stock d’or mondial (graphique #1). Ce qui est plus important est le fait qu’une grande partie de cet or peut être fourni au marché en peu de temps et à très bas prix. Presque tout l’or est stocké dans sa forme d'origine.

 

Graphique #1 : Stock d’or mondial

 

Près de 20% de tout l’or déjà extrait de terre tombe sous contrôle officiel (graphique #2). On comprend pourquoi les banques centrales ont bien plus d’impact sur le marché de l’or que n’en a l’offre minière. Le stock d’or des banques centrales représente sept fois plus d’or que tout le marché de l’or. Si les chiffres disent vrai, les réserves officielles des États-Unis représentent près de deux fois l’intégralité du marché de l’or, et celles de la zone euro environ 2,5 fois (graphique #2).

 

Graphique #2 : Stock d’or mondial

 

Jetons maintenant un coup d’œil sur l’or déjà hors terre. Savons-nous vraiment combien il y en a ? Des chiffres sont donnés par le World Gold Council et, grâce à son excellente réputation, les gens les acceptent. Cependant, si nous cherchons un peu, nous nous rendons compte que ces chiffres ne sont qu’une estimation (approximation statistique) et qu’ils comportent différentes marges d’erreur, selon la période observée. Selon Nick Laird, qui a effectué une excellente recherche sur le sujet, 5,300 tonnes d’or ont été extraites avant l’an 1500, 4,700 tonnes entre 1500 et 1850, et le reste, 157,466 tonnes, entre 1850 et 2013 (graphique #3).

 

Graphique #3 : Réserves totales d’or vs production totale d’or

 

J’ai eu le privilège de voir une partie de la méthodologie de Nick Laird, et j’ai été impressionné. Son attention méticuleuse des détails et sa méthodologie pour projeter ses données est sans faille. Comme vous pouvez le voir dans le graphique #3, il divise les données en trois parties : avant 1500, entre 1500 et 1850, et de 1850 à nos jours. Selon moi, ces parties ont des marges d’erreur différentes. La pire est la partie d’avant 1500. Je diviserais même cette période en deux : avant l’an 0, et de l’an 0 à 1500. On en sait très peu sur l’extraction d’or avant l’an 0. Cependant, comme on peut le voir sur l’image ci-dessous, l’or était extrait et on lui attribuait une grande valeur, déjà, il y a plus de 6,000 ans. La nécropole de Varna est un site d’inhumation de la zone industrielle occidentale de Varna, en Bulgarie. C’est sur ce site que fut découvert le plus ancien trésor d’or au monde, datant de 4600 – 4200 av. J.-C. Cela démontre jusqu’à quand remonte la connaissance de l’or et son extraction. L’or est accumulé depuis au moins 6,000 ans et ce, partout dans le monde.

 

Image #1: Trésor d’or le plus ancien au monde, 6,000 ans, Varna, Bulgarie

 

Souvenez-vous aussi que, comme nous l’avons dit plus haut, l’or n’est pas consommé. Il ne fait que passer de mains en mains. Il ne se dégrade pas avec le temps, non plus, alors il serait possible que l’or qui a servi à confectionner ma bague de mariage ait été extrait de terre il y a plus de 6,000 ans, Dieu sait où. La passion de l’Inde pour l’or est immémoriale. Et il semble que les mines indiennes se soient asséchées au temps où l’Europe se colonisait. Pline, l’historien romain, se lamentait, il y a 1,800 ans, comment l’Inde, l’ « évier » des métaux précieux, faisait baisser les réserves d’or de Rome… et cette appellation perdure de nos jours.

J’ai rassemblé quelques estimations que je considère de source très fiable, même si je n’ai pas eu accès à la méthodologie. Comme vous pouvez voir dans le graphique #3, ces quatre estimations ont une moyenne d’environ 166,606 tonnes, tandis que Philip Barton, du Gold Standard Institute, estime que ce chiffre ne représente que 10% de l’or existant en surface. Ses estimations vont de 1,200,000 tonnes à 2,500,000 tonnes… comment est-ce possible ? D’après moi, cela a à voir avec la période d’avant 1500 et, plus particulièrement, avec la période entre l’an 0 et 4000 av. J.-C., voire au-delà. Il faut faire certaines suppositions avant d’arriver à des approximations statistiques, car nous manquons non pas de quelques, mais bien de presque toutes les données. Si l’or était une matière première, cela n’aurait pas beaucoup d’importance, puisqu’il aurait été consommé, mais l’or n’en est pas une. En plus, les hommes se sont donné bien du mal à protéger et conserver leur stock d’or, aussi petit soit-il, au contraire de beaucoup d’autres biens. Cependant, non seulement le temps cause problème, mais aussi l’espace. Nous ne disposons que de très peu d’informations sur les mines aurifères d’Asie et d’Afrique entre l’an 0 et il y a de 4,000 à 6,000 ans. Les « estimations de l’industrie » sur la quantité d’or hors terre supposent que, si cela prend une année, avec les méthodes modernes, pour extraire 2,400 tonnes, cela aurait pris bien plus longtemps à des cultures primitives d’en extraire autant. Philip Barton défie cette théorie qui assume que tout le reste se vaut. Il dit que, plus nous reculons dans l’Histoire, plus il y avait d’or et plus il était accessible. Nos ancêtres, selon lui, ont extrait tout l’or qui était facile d’accès dans le monde.

 

Graphique #3 : Estimations du ratio stock hors terre / flux

 

Si on prend les estimations moyennes de 166,606 tonnes, les stocks d’or hors terre couvriraient approximativement 43 ans de demande. Mais si on se fie aux estimations de 1,200,000 tonnes de Phillip Barton, les stocks couvriraient environ 290 ans de demande. En regardant le graphique #4, nous pouvons comprendre pourquoi l’or n’est pas une matière première.

 

Graphique #4 : Total des stocks d’or hors terre et de matières premières

 

Dans le graphique #5, nous pouvons voir que le ratio stock/flux de l’or a fluctué entre 45 et 90, avec une moyenne de 66, ces 100 dernières années. L’or est un des actifs les plus liquides. Certains analystes considèrent que jusqu’à 86% de tout l’inventaire d’or hors terre pourrait être théoriquement mobilisé en une courte période de temps. Cependant, jusqu’à quel point tout cet or peut être considéré comme « flottant librement » est sujet à débat. Dans les marchés financiers, la liquidité correspond à la taille d’une transaction qui peut être effectuée sans affecter le prix.

 

Graphique #5 : Ratio stock/flux de l’or

 

J’ai aussi créé un graphique du flux pour montrer, d’un angle différent, l’importance du stock d’or hors terre. Malheureusement, il n’est pas à l’échelle. La case du stock d’or hors terre devrait être 41 fois plus grande que le marché de l’or et 58 fois la taille de l’offre minière, si l’on utilise les estimations de 176,000 tonnes.

 

Graphique #6 : Flux de l’or

 

Les 176,000 tonnes d’or peuvent être considérées comme le M3 de l’or. James Turk, de GoldMoney, compare le stock d’or hors terre à la masse monétaire M3 du dollar US. Le M3 de l’or croît approximativement au même rythme que la population mondiale et la nouvelle création de richesse (graphique #7), deux composantes essentielles pour déterminer l’offre et la demande de monnaie. Quand le M3 du dollar croît plus rapidement que le M3 de l’or, le dollar perd de la valeur et l’or, dans cette devise, grimpe, en assumant par ailleurs que la demande, et pour l’or et pour la devise, demeure inchangée.

 

Graphique #7 : Production annuelle d’or vs croissance annuelle de la population

 

Dans le graphique #8, nous pouvons observer que la masse monétaire US, au moins depuis 1959, est en corrélation, quoique non parfaite, avec le prix de l’or en dollars US. Il serait plus approprié de comparer la masse monétaire mondiale M3 à l’or, vu que l’or est une monnaie liquide universelle (graphique #9).

 

Graphique #8 : Masse monétaire M3 des États-Unis vs le prix de l’or

 

Graphique #9 : Bilans totaux combinés vs le prix de l’or (États-Unis, zone euro, Royaume-Uni, Suisse, Chine, Japon)

 

Le graphique #10 nous montre la tendance de l’offre d’or vs l’offre de dollars US et le ratio entre les deux. Et, comme l’offre de dollars augmente et que l’offre d’or demeure presque constante, le prix s’ajuste pour compenser la différence des offres.

 

Graphique #10 : Offre mondiale d’or vs masse monétaire M3 vs prix de l’or

 

Un des arguments les plus fréquents utilisés contre l’or en tant que monnaie est qu’il n’y en a pas assez. Dans un rapport récent, l’Official Monetary and Financial Institutions Forum (OMFIF) déclare que « il y a des influences limitatives qui reflètent en partie la disponibilité limitée de l’or » pour lui permettre de jouer un rôle majeur dans le futur système de réserve à devises multiples. L’OMFIF ajoute : « L’or destiné aux marchés financiers représente environ 60,100 tonnes. À moins que ne survienne un revirement majeur de la demande de joaillerie et/ou industrielle vers les marchés financiers, les réserves d’or demeurent pratiquement les mêmes, les seules augmentations provenant des mines (environ 2,500 tonnes par an) et du recyclage (un peu moins de 1,600 tonnes par an). Ce qui représente une augmentation des stocks d’or disponible de seulement un peu plus de 4,000 tonnes par an, ou 6,7% de l’or destiné aux marchés financiers. Les achats net de 400 tonnes, en 2011, par les institutions officielles (environ 1/10 de l’augmentation annuelle d’offre d’or) ont constitué le plus fort volume des quatre dernières décennies. » Le rapport poursuit : « La rareté (relative) de l’or signifie qu’il ne pourrait remplacer une devise fiduciaire que sur une base fractionnelle. Cependant, l’avènement même d’un tel système est improbable. » (7)

Comme nous l’avons vu plus haut, qu’il s’agisse de projections conservatrices ou plus libérales, il y a beaucoup d’or, surtout hors terre. Plusieurs sont d’avis que l’or constitue un refuge stable dans le temps à cause de son haut ratio stock/flux. Cependant, la forte qualité marchande de l’or en est une caractéristique importante. Plus aisément un bien peut être converti, plus est prononcée sa « liquidité ». L’or et l’argent n’ont pas atteint leur statut monétaire grâce à leur supposée rareté, mais bien parce qu’ils se convertissent bien. La fongibilité constitue un avantage crucial pour l’or en tant que moyen d’échange. La fongibilité est la propriété que possède un bien ou une matière première de pouvoir se substituer mutuellement. Par exemple, étant donné qu’une once d’or équivaut à toute autre once d’or, l’or est fongible. Parce que l’or est accumulé et non consommé, il est le métal le moins rare sur la planète. (6) Même si la nouvelle offre est très peu élevée, le stock d’or ne diminue jamais; il augmente même un petit peu chaque année (1,62% par an ou 0,25% par an, en utilisant l’estimation la plus basse de Philip Barton, soit 1,200,000 tonnes).

Une autre façon de mesurer le stock d’or hors terre serait de répertorier tout l’or détenu publiquement et par les individus. Aucun gouvernement n’a pu ni n’a jamais essayé, même pas les gouvernements totalitaires. Même dans les pays où la possession privée d’or était interdite, il circulait toujours en secret. J’en ai été témoin personnellement derrière le Rideau de fer, dans les années ’60. Le marché de l’or est extrêmement opaque. Quand le gouvernement indien, récemment, signala son intention de répertorier l’or des temples, il dut faire demi-tour devant l’extrême pression publique. Après 40 ans d’étude de l’or, j’ai tendance à croire/spéculer qu’il y en a beaucoup plus que 166,606 tonnes. Combien ? Je ne sais pas. En se basant sur l’information disponible, ce chiffre de 166,606 tonnes semble le plus précis. Cependant, le chiffre de 1,200,000 tonnes ne me surprendrait pas du tout. Comme Philip Barton le dit si bien : « Personne ne peut prétendre à la précision en ce qui concerne la quantité d’or disponible dans monde. Tout ce que l’on peut faire est d’arriver à une approximation mathématique, en se basant sur les vagues preuves disponibles. » (2)

 

Sources:

  1. How much gold is there in the world? - Ed Prior, BBC News

  2. How Much Gold Stock is There Really? - Philip Barton, The Gold Standard Institute

  3. The Aboveground Gold Stock: Its Importance and Its Size – James Turk 

  4. The Myth of the Gold Supply Deficit - Robert Blumen

  5. E-mail Exchange between Nick Laird, Sharelynx.com and Philip Barton, The Gold Standard Institute

  6. A Reminder of How Different Gold Is – Fekete Research

  7. Gold, the renminbi and the multi-currency reserve system, OMFIF 

  8. In Gold We Trust 2014 - Ronald-Peter Stoeferle& Mark Valek, Incrementum AG

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