La fin de la "mise sous tutelle" de la Grèce par Bruxelles, la BCE et le FMI le lundi 20 août a été célébrée comme une victoire dans les médias. La crise grecque serait donc terminée, selon eux, si l’on en juge par leurs titres : "Comment la Grèce s’en est sortie", "Grèce : le retour de la croissance", "La Grèce tourne la page de huit ans de crise", "La Grèce n’est plus sous perfusion", etc. Le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, "juge la Grèce sur la voie d'une croissance durable". Faut-il donc croire que tout va pour le mieux ?

Mais lorsque l’on se penche d’un peu plus près sur la réalité économique, on se rend compte que tout ceci n’est qu’une énorme fake news. La Grèce a reçu au total, avec ses trois plans de sauvetage, 289 milliards d’euros. Qui peut croire qu’elle parviendra un jour à les rembourser ? L’essentiel de cette somme provient de l’Union européenne, c’est-à-dire de nous tous, les contribuables européens, qui devront au final assumer cette perte. Pour la France, on estime qu’un peu plus de 40 milliards d’euros ont été prêtés à la Grèce, via des fonds d’aide comme le MES. Nous pouvons faire un trait dessus.

La dette publique grecque représente presque le double de son PIB (180% exactement), ce qui veut dire que payer 1% d’intérêt représente une ponction de 2% de son PIB, sa création de richesse annuelle, 2% représente 4%, etc. C’est difficilement soutenable. Et on ne parle ici que de la charge des intérêts, pas du remboursement du principal. D’autre part, son système bancaire est en faillite complète, si l’on en juge par les chiffres officiels de l’EBA (Autorité bancaire européenne), puisque 44,9% des créances bancaires sont "douteuses" (NPL, non-performing loans). Comment prétendre que le pays s’est redressé ? Ou qu’il pourrait le faire ?

Mais les créanciers de la Grèce (UE, BCE, FMI) ont discrètement usé d’un subterfuge : le 22 juin dernier, ils ont repoussé de dix ans la date à partir de laquelle la Grèce devra commencer à rembourser sa dette, en la passant de 2022 à 2032 ! Dix ans d’un coup, par une simple signature en bas d’un document, mais cette fois sans le claironner dans les médias, bien sûr. L’Union européenne et le FMI inventent un nouveau concept : la "dette-zéro". Après les taux-zéro qui – à force de QE et de déluge de liquidités – ramènent la charge de la dette à rien ou presque, voici la dette-zéro qui fait disparaître le remboursement du capital dans un futur indéfini. En 2031, quand on se rendra évidemment compte que la Grèce ne peut pas commencer à rembourser sa dette, et certainement pas non plus à payer la totalité de ses intérêts, il suffira de repousser encore de dix ans son remboursement en affirmant que "la Grèce se relève", "la croissance revient", etc. 

La dette-zéro permet de sauver les apparences : la Grèce ne fait pas défaut, les créanciers n’enregistrent pas de pertes, la fiction du remboursement est maintenue, la zone euro va bien. Bienvenue dans le village Potemkine de la dette ! Gageons que cette idée de dette-zéro va essaimer, au moment où les taux commencent à timidement remonter, étranglant nombre d’emprunteurs, des pays ou des grandes entreprises. Le report dans le temps du remboursement du principal permettra de maintenir les illusions pour quelques temps encore. Décidément, les hautes instances internationales ne manquent pas d'imagination pour repousser sans cesse la menace de la dette, sauf pour s’attaquer à la racine du mal (assainir les comptes publics et les banques). C’est sans doute trop simple pour ces brillants esprits.

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