L’événement est historique : pour la première fois, le ministère des finances consent à rendre public les pays détenteurs de la dette publique de la France. Cette information avait toujours été occultée, je l’avais déploré dans mon ouvrage "France, la faillite ?" en 2010, et le black-out était maintenu depuis. La catégorie "non-résident" (les investisseurs étrangers) n’était jamais détaillée, ce qui empêchait toute analyse approfondie. Discrètement, sans l’annoncer par un communiqué, sans reprise de l’AFP ou d’un média économique, Bercy lâche l’information dans le dernier bulletin de l’Agence France Trésor, l’organisme en charge de la dette de l’État :

 

 

Le tableau des pourcentages concerne les non-résidents. Pour une meilleure lecture des résultats, nous avons tout remis au même niveau dans le tableau qui suit :

 

 Détenteurs de la dette de l’État  %  %  %
Banque de France 19,2

 

France

45,4

 

 

Zone euro

73,9

Assureurs français 19,5
Banques françaises 6,7
Zone euro hors France 28,5  
Europe hors zone euro (RU, Suisse, Norvège, …) 4,6    
Asie 6,9    
Amérique 4,9    
Non ventilés (réserves de change, …) 9,7    
Total 100    

 

Tout d’abord, le bulletin de l’Agence France Trésor reconnaît la place prépondérante et en forte augmentation de la Banque de France (19,2%) du fait que le "programme d’achat de la BCE est réalisé, pour ce qui est de la dette française, pour l’essentiel par la Banque de France". Nous l’avions décelé et dénoncé en mars dernier sur des données nettement moins explicites dans notre article intitulé "Cavalerie financière : la Banque de France détient presque 20% de la dette publique". Au Japon, la banque centrale détient 41% de la dette publique nationale... Encore un effort ! La banque centrale qui achète la dette émise par le Trésor public, c’est le serpent qui se mord la queue, jusqu’à l’explosion finale… Du grand n’importe quoi.

D’autre part, on constate le peu de succès de la dette publique française en dehors de l’Europe : l’Asie et l’Amérique s’y intéressent de façon tout à fait marginale (6,9% et 4,9%). Nous l’avions découvert en juillet dernier sur des données très partielles (La dette publique française fait un bide à l’international), en voici la confirmation. La dette française est possédée aux trois quarts par des institutions financières de la zone euro. En termes d’ouverture et de reconnaissance internationale, ce n’est vraiment pas fameux.

Il y a quelques années, les deux tiers de la dette étaient détenus par des non-résidents. Aujourd’hui, cette part est tombée à un peu plus de la moitié. On peut difficilement s’empêcher d’y voir une défiance croissante des investisseurs internationaux, qui est compensée par la Banque de France grâce au QE de la BCE (19,2% contre 4,4% en 2014). Voilà qui n’est guère encourageant.

Mais ce n’est pas grave. Pour absorber cette dette publique qui n’en finit pas de grossir tant les gouvernements sont incapables de réduire le déficit budgétaire, on pourra compter sur la planche à billets et sur l’épargne des Français, comme le précise le bulletin de l’Agence France Trésor : "L'épargne des français est souvent investie indirectement dans les titres de l’État, que ce soit au travers du livret A, des livrets bancaires ou des contrats d'assurance vie". Le savent-ils vraiment ? Quoi qu’il en soit, les épargnants français sont les derniers investisseurs à vraiment croire dans la dette de l’État. Optimisme ou inconscience ?

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