Les banques centrales des États-Unis et de l’Union européenne ont entamé ce qu’elles appellent un "resserrement monétaire", c’est-à-dire l’arrêt progressif de leur QE (Quantitative easing), leur planche à billets, pour employer un terme qu’elles se refusent à utiliser ; mais il ne s’agit pas d’autre chose lorsqu’elles créent, par un simple jeu d’écriture, de l’argent pour acquérir des obligations d’État. Ce retour à la normale semble aller dans le bon sens, celui d’une économie plus saine, moins dopée aux liquidités, mais est-ce réellement le cas ?

Déjà, on aura noté que la Fed a stoppé son QE en octobre 2014, mais que la BCE a, en quelque sorte, pris le relais en lançant le sien en mars 2015. Cependant l’institution européenne a récemment annoncé vouloir elle aussi en finir en ramenant son montant mensuel de rachat d’actifs à 30 milliards d’euros (après 80 puis 50) pour, a priori, l’arrêter dans le courant de l’année 2018. Nous assistons au retour à un système monétaire et financier plus sain donc ? Pas si sûr.

En effet, selon une étude de la Banque Natixis, la liquidité mondiale continuera d’augmenter rapidement malgré le changement de cap de la Fed et de la BCE, et ce pour deux raisons principales :

- la politique monétaire très expansionniste de la Banque du Japon ;

- le retour à un accroissement des réserves de change des banques centrales, notamment de la Chine avec le rétablissement du contrôle des capitaux.

À croire que les banques centrales se refilent le bébé, "j’arrête mon QE, à toi !". Quand ce n’est plus la Fed c’est la BCE, et ensuite la BoJ prend le relais. Du côté de la Chine, l’excédent commercial reste "prisonnier" du pays à cause du contrôle des capitaux, et la Banque de Chine place ces excédents en achetant des bons du Trésor américain, ce qui donne une sorte de "QE chinois". Au-delà du Japon et de la Chine, ces politiques expansionnistes ou de contrôle des changes afin de capturer l’excédent commercial s’avèrent largement répandues parmi les pays émergents, ce qui ajoute encore de la liquidité.

Or, il faut savoir que les dettes publiques des grands pays sont largement internationalisées : 51,5% de la dette américaine est détenue par des "non-résidents", des investisseurs étrangers, ainsi que 61,3% de la dette allemande, 56,4% de la dette française, 45% de la dette espagnole, et 34,7% de la dette italienne. Comme l’indique justement l’étude Natixis : "Lorsqu’une dette publique est internationalisée, son taux d’intérêt dépend de la liquidité globale, non de la liquidité locale du pays qui émet cette dette."

Les resserrements monétaires de la Fed et de la BCE, annoncés à grand renfort de communication, s’avèrent ainsi dépourvus d’effet ; ils ne permettront pas de sortir de la léthargie des taux zéro ou négatifs. Les politiques monétaires laxistes inaugurées lors de la crise de 2008 continuent, sous une forme ou sous une autre ; le "retour à la normale" relève de l’illusion, et c’est plutôt la crise (vague d’inflation, faillites bancaires, …) qui constitue l’horizon de cette montagne de liquidités.

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