"Bientôt un contrôle des capitaux en Grèce ?" titrions-nous il y a deux semaines. Le pari n’était pas difficile à remporter vu la dégradation des relations entre l’Union Européenne et Athènes. Mais on ne manquera pas de noter la rapidité avec laquelle cette disposition a été mise en œuvre : dans un pays où le cadastre est inexistant, l’administration fiscale impuissante et la corruption coutumière, le contrôle des capitaux a été mis en place avec une redoutable efficacité. Du jour au lendemain, il devient impossible d’effectuer un virement à l’étranger ou de retirer plus qu’une certaine somme aux distributeurs. Evidemment, ce sont les banques et leur réseau informatique qui gèrent cela, et comme elles sont fermées, personne ne peut tenter sa chance au guichet.

Voici donc le deuxième pays de la zone euro qui met en place un tel dispositif, après Chypre, pour lequel ce contrôle a duré deux ans. Lorsqu’il l’annonce, le gouvernement jure qu’il sera provisoire, mais le temps de relever (à peu près) le système bancaire dépasse les quelques semaines ou mois promis. Quel que soit l’avenir de la Grèce, avec l’euro ou la drachme, il ne faut pas espérer une levée rapide des restrictions, même si elles peuvent être assouplies avec le temps.

Cela montre à quel point il un épargnant peut se retrouver à la merci d’un Etat incapable de gérer sa dette ou de surveiller un minimum son secteur bancaire. Après tout, en quoi est-il responsable de la mauvaise gestion des comptes publics ou des grandes banques de son pays ? C’est son argent, qu’il a gagné et économisé toute sa vie, mais désormais le Grec moyen ne peut plus en retirer que 60 euros par jour. Et si Athènes passe à la drachme, son capital aura fondu de l’ordre de la moitié. Après le Chypriote et le Grec, demain l’Espagnol, l’Italien ou le Français ?

Personne n’est à l’abri d’autant que le contrôle des capitaux est tout à fait prévu dans le Traité de l’Union Européenne : la libre circulation des capitaux représente la règle, mais celle-ci comporte des exceptions dument notées. On y parle de "mesures de sauvegarde temporaires dans des circonstances exceptionnelles" lorsque les mouvements de capitaux "causent ou menacent de causer des difficultés graves pour le fonctionnement de l'Union économique et monétaire", ce qui offre une interprétation très large…

Se retrouver coincé avec son épargne, dans l’impossibilité d’en user à sa guise, avec la menace d’une ponction (au-dessus de 100.000 euros pour tous les Chypriotes) ou d’une conversion en une monnaie dévaluée (la drachme pour les Grecs ?), voici un risque qui s’accroît pour l’épargnant européen. Ceux qui disposent d’un vrai pouvoir de négociation peuvent s’en tirer : les footballeurs étrangers du championnat grec renégocient en ce moment leur contrat pour être payés quoi qu’il arrive en euros et sur un compte à l’étranger. Le pain et les jeux sont trop importants pour un gouvernement, surtout lorsqu’il se retrouve en difficulté, ces sportifs obtiendront satisfaction. L’épargnant de base, lui, n’a rien à espérer, il découvrira les faiblesses de l’argent-papier - non, pire - de l’argent électronique, simple ligne de chiffres dans une base de données.

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