En résumé

  • Le 1er juin 2015, JP Morgan a quasiment ajouté la quantité exacte d’onces d’or physique nécessaire pour pallier l’écart entre l’offre et la demande de livraison sur le COMEX, évitant ainsi une faillite généralisée.

  • Certains documents déclassifiés, ainsi que de fortes preuves circonstancielles, indiquent que ce n’était pas JP Morgan, mais bien son client le plus important, la Réserve fédérale américaine, qui aurait renfloué le COMEX.

  • Le déficit d’offre mondial d’or physique sera d’au moins 606,1 tonnes en 2015, peut-être bien plus, et des incidents similaires sont prévisibles à l’avenir.

  • Le déficit entre l’offre mondiale d’or et la demande deviendra beaucoup plus grand en 2016 et au-delà.

  • Même si l’intégralité des réserves restantes des États-Unis était mise à contribution, les prix ne pourraient pas être tenus en permanence aux faibles niveaux actuels, ce qui rend l’or et les actions aurifères attrayants en ce moment.

Dans un article daté du 1er juin 2015, j’ai indiqué que les membres compensateurs du COMEX s’étaient dangereusement approchés d’un défaut généralisé de livraison d’or physique. Ils ont fait face à des réclamations nettes de 550 000 onces Troy avec seulement 370 000 onces enregistrées dans les stocks d'or du COMEX. Soit un manque de 170 000 onces, ou 5,29 tonnes d’or.

Ce même jour, JP Morgan Chase (NYSE : JPM) a transféré 177 402 onces Troy d’or vers les stocks d'or enregistrés du COMEX – tout juste assez pour couvrir un éventuel manque à maturité, plus un petit extra pour couvrir les achats additionnels qui surviennent toujours durant un mois de livraison normal. Tout cela amène la question : JP Morgan Chase vient-elle de s’engager dans un sauvetage similaire à celui de John Pierpont Morgan, en 1907, pour les banques de New York ?

À première vue, il semblerait que JP Morgan ait renfloué d’autres membres compensateurs du COMEX. Si vous regardez de plus près, cependant, vous verrez autre chose. Le rapport de livraison du 2 juin 2015 montre que l’or qui a sauvé le COMEX venait du compte interne de JP Morgan. Et alors, après avoir réapprovisionné le COMEX en or, la banque a livré 246 800 onces de son or, représentant 2 468 contrats vendeurs arrivant à maturité, tandis que les clients de JP Morgan ont acheté et pris livraison de 42 200 onces.

La Commodities Futures Trading Commission (CFTC) est l’organisme qui règule le COMEX. Elle publie un rapport mensuel, appelé le Bank Participation Report, qui révèle combien de positions ouvertes chaque mois sont détenues par les banques et jusqu'à quel niveau les banques sont acheteuses ou vendeuses. En date du 5 mai 2015, l'ensemble des banques américaines, incluant JP Morgan, Citigroup (NYSE : C), Goldman Sachs (NYSE : GS) et Morgan Stanley (NYSE : MS), détenaient une position vendeuse nette(après avoir soustrait les positions longues) de seulement 5,8% du total. Le rapport du mois suivant, daté du 2 juin 2015, révéla que toutes les banques américaines avaient augmenté leurs positions vendeuses pour atteindre un total net de 9,2%.

Les règles du COMEX exigent que les livraisons soient assignées en proportion du nombre de positions vendeuses qu’un certain membre compensateur a ouvertes, pour lui-même et ses clients, en date du jour où les contrats à terme (futures) arrivent à maturité. Si le membre compensateur effectue une livraison au nom d’un client, l’or est alors listé dans le rapport de livraison comme provenant du « compte-client » dudit membre. Même si JP Morgan fait du trading en son nom et est un des opérateurs de marché du COMEX, il est virtuellement impossible qu’on lui ait assigné près de la moitié des livraisons. Il est encore plus improbable que chacune de ces barres d’or soit venue de la banque elle-même : elles sont plutôt venues de ses clients.

Dans un article précédent, j’ai écrit :

« Si les adeptes de la théorie du complot, comme ceux de GATA, voient juste (et je crois qu’ils voient juste), le pire scénario serait un renflouement furtif du gouvernement. Il est relativement aisé d’organiser des types de « swap » où des barres d’or détenues par le gouvernement sont promises en échange de barres d’or venant de l’or de catégorie éligible dans les entrepôts du COMEX. Les gens pourraient être persuadés d'avoir leur or physique dans la catégorie enregistrée, si le gouvernement garantissait le retour actuel de l’or et y ajoutait une épaisse « enveloppe » de dollars pour adoucir la chose ».

Depuis plusieurs années, les adeptes de la théorie du complot ont argué – sans preuves tangibles – que JP Morgan était l’agent principal de la Réserve fédérale sur les marchés de capitaux. En supposant que le contrôle du prix de l’or est un secret d’État, il est évident que personne ne tombera sur une copie du contrat entre JP Morgan et le gouvernement. Cependant, nous avons des preuves que la banque gère d’autres marchés pour la Fed. Par exemple, il existe un contrat détaillé désignant JP Morgan comme la banque dépositaire de plus de 1 700 milliards $US d’obligations détenues par la Fed. Il est possible de lire ce contrat pour obtenir un avis plus clair sur la question.

Je crois que la clé réside dans la politique de la Fed à s’engager dans ce qu’on appelle les gold swaps. Dans la note 3 d’un document de la Banque d’Angleterre, on nous apprend que :

« Lors d’un gold location swap, de l’or entreposé physiquement dans un endroit particulier est échangé avec une contrepartie de marché pour une période spécifique avec de l’or entreposé dans un autre endroit. Lors d’un gold quality swap, de l’or d’une certaine qualité est échangé avec une contrepartie de marché pour une période spécifique avec de l’or d’une pureté différente. Dans chaque cas, des frais sont compris dans la transaction.

Techniquement, le Trésor américain est « en charge » des réserves d’or des États-Unis, même si tout l’or a été légalement transféré à la Réserve fédérale. Mais nous savons que la Réserve fédérale utilise les swaps contre cet or. En janvier 1995, J. Virgil Mattingly, l’avocat le plus haut placé de la Fed, l’a avoué. Ses commentaires furent enregistrés dans les minutes d’une réunion du FOMC. Mais, en 2001, Mattingly a prétendu qu’il avait été mal cité. Heureusement, en 2009, un gouverneur de la Fed, Kevin Warsh, fut assez honnête pour admettre la vérité. Il a admis que la Réserve fédérale s’engageait dans des swaps. Et ces swaps sont importants pour comprendre ce qu’il s’est passé le 1er juin 2015.

Les livraisons du COMEX sont normalement assignées en proportions exactes avec le nombre de contrats vendeurs qui incombent à chaque membre compensateur à maturité. Pourtant, les positions vendeuses de JP Morgan n’approchaient même pas 50% des positions ouvertes du COMEX, et ses propres clients étaient des acheteurs nets, et non des vendeurs. Ses positions vendeuses en mai et en juin ne représentent qu'un pourcentage infime des intérêts à court terme. Cela signifie que JP Morgan a effectué des livraisons attribuables aux activités de trading d’autres parties.

Dans la jurisprudence anglo-américaine, nous laissons les jurys arriver à des verdicts basés sur des déductions sensées résulter de preuves circonstancielles. Même une condamnation pour meurtre peut être obtenue en se basant sur de fortes preuves circonstancielles. Plus d’un millier d’années à utiliser ce type de preuves nous ont démontré qu’elles sont normalement fiables pour trouver la vérité. Et ce cas là n’est pas composé que de preuves circonstancielles. Mais les circonstances ajoutent aux preuves directes. Les deux, ensemble, nous amènent à la conclusion inévitable que JP Morgan n’a pas sauvé le COMEX.

En 1907, évidemment, J.P. Morgan & Cie était une entreprise privée. Par contre, JP Morgan Chase est une société publique à but lucratif dont les dirigeants seraient en violation de leurs devoirs fiduciaires envers les actionnaires de la compagnie s’ils utilisaient le capital de leurs clients pour renflouer des concurrents. Donc, il semble évident que c’est JP Morgan qui administre les prêts d’or de la Réserve fédérale. Et une accumulation de preuves indiquent que c’est la Réserve fédérale qui a sauvé le COMEX, utilisant un location swap et un quality swap avec JPM. Cela garantirait que l’or fourni par la banque soit remplacé par l’or du gouvernement. Cela importe peu que l’or de remplacement soient des barres non-éligibles de 400oz, car il peut facilement être refondu selon les standards courants de livraison.

L’objectif de ce renflouement est de s’assurer que le COMEX continuera de fonctionner comme principal organisme de détermination des prix sur le marché mondial de l’or. Malheureusement, cela assure aussi qu’une portion encore plus grande de l’or des réserves américaines est maintenant grévé par les swap ou se retrouvera bientôt en mains privées. Le Fonds monétaire international (FMI) a écrit que « des officiels de banques centrales ont indiqué qu’ils considéraient les informations sur les prêts et swaps d’or ultra-sensibles pour le marché. » Les officiels de la Réserve fédérale font clairement partie de ces banquiers qui veulent garder le secret.

Par exemple, même si Kevin Warsh fut assez honnête pour finalement admettre que la Fed utilisait les swaps d’or, il a quand même refusé de fournir la documentation détaillée. Il a déclaré que les détails entourant les swaps d’or de la Fed faisaient partie de « renseignements confidentiels d’ordre commercial ou financier en rapport avec les opérations des banques de la Réserve fédérale, » ne devant pas être rendus publics. Ce refus a été entériné par une cour de justice qui, après avoir examiné minutieusement les documents, a fini par lui donner raison.

En pratique, les gros acheteurs d’or physique évitent le COMEX, un peu par peur de se voir offrir un règlement en cash plutôt qu’en or. Maintenant qu’il est clair que les réserves d’or américaines soutiennent les livraisons, cela pourrait changer. Nous pouvons maintenant assumer que le COMEX sera soutenu par la plus grosse réserve d’or au monde. Il est devenu Too Big to Fail. Les défauts de livraison ne seront pas admis à moins qu’ils augmentent à un point tel qu’ils deviennent trop lourds à porter, même pour le gouvernement.

Le marché de Londres devenant de moins en moins liquide, les gros acheteurs peuvent se sentir en sécurité en achetant jusqu’à 9,3 tonnes par mois (la limite) sur le COMEX. Cela est important, car si une grande entité essayait d’acheter une telle quantité à Londres, elle devrait payer une forte prime au-dessus du prix spot. Au contraire, sur le COMEX, les acheteurs intelligents pourraient utiliser une stratégie d’options pour acquérir de telles positions en secret. Et alors, ayant accumulé 3000 options, les ayant exercés, les convertir en des contrats à terme avant que les règles ne soient changées. L’implication évidente de la Fed signifie que la livraison sera effectuée, d’une manière ou d’une autre.

L’implication de la Fed signifie aussi que le prix actuel de l’or est « basé sur le marché » à 0% de taux d’intérêt. La banque centrale a pris l'initiative de supprimer la courbe de rendement des obligations. Il semble qu’elle ait aussi pris l'initiative de faire baisser le prix de l’or. Les preuves directes consistent en « aveu contre propre intérêt » d’officiers et de directeurs de la Réserve fédérale cités plus haut. Voici ces preuves circonstancielles :

  1. D’inexplicables ventes à découvert de tonnes d’or-papier effectuées d’une manière qui n’a absolument rien à voir avec des prises rationnelles de profit. Nul vendeur rationnel ne vendrait ainsi tout d’un coup, car le prix obtenu irait contre ses intérêts financiers. Et, pourtant, c’est exactement ce qu’il se passe, encore et encore, lorsque le marché de l’or est attaqué.
  2. De telles ventes massives à découvert ont tendance à avoir lieu à des moments stratégiques. Par exemple, le matin du 17 mars, 2009, lorsque le premier QE fut annoncé plus tard ce même jour, il y a eu un barrage de ventes à découvert, comme si quelqu’un essayait de faire descendre le prix en anticipation d’un événement qui l’enverrait vers la stratosphère. D'autres exemples de ce jeu se voient virtuellement avant toute annonce statistique majeure, des statistiques du chômage au PIB, etc.
  3. Et, plus récemment, l’utilisation de l’or de JP Morgan, le 1er juin, 2015, pour satisfaire les obligations de livraison physique d’autres membres compensateurs du COMEX.

Une montagne de preuves indique que le gouvernement américain a controlé l’or par rapport au dollar de façon continuelle depuis plus de 200 ans, maintenant. À l’époque de l’étalon-or, cela se faisait en achetant et vendant de l’or ouvertement. Maintenant, les actions secrètes sur le COMEX sont les armes de la politique monétaire. Pour quelques-uns, cet état de fait constitue le « mal incarné ». Mais contrôler le prix de l’or n’est pas bien différent que de contrôler le prix des obligations.

Couvrir les ventes à découvert d’or n’est pas pire que de faire grimper ou descendre les taux d’intérêt de manière artificielle. Et ce n’est pas essentiellement plus « mal » que de donner des centaines de milliards de prêts pour des opérations de pensions (repo loans), supposément à un jour, à ses principaux vendeurs, mais qui sont perpétuellement renouvelés durant des années. Ce n'est pas plus déstabilisant que d’imprimer des milliers de milliards de dollars via un « assouplissement quantitatif » (QE). La différence étant que la « gestion » du prix de l’or est une opération secrète.

Par nature, une action secrète n'est pas toujours honnête. Mais il semble clair que la Fed réalise ses opérations sur l’or dans l'ombre pour une raison : elle n’a pas d’autre choix. Il ne reste plus assez d’or pour le faire ouvertement. Cette préoccupation avait été notée par des officiels américains il y a plusieurs années, et la preuve se trouve dans des transcriptions récemment déclassifiées.

Il y a eu une conversation entre Henry Kissinger et son sous-secrétaire d’État pour les Affaires économiques, Thomas O. Enders, le 25 avril 1974, par exemple, tout juste avant l’ouverture des premiers contrats à terme sur l’or au COMEX :

Kissinger : Mais c’est un problème de balance de paiements.

Enders : Oui, mais la question est de savoir qui a le plus de leverage au niveau international. S’ils ont un instrument pour créer de la réserve, en possédant la plus grande quantité d’or et en ayant ainsi la possibilité d’influencer son prix périodiquement, ils sont alors en position de force, vis-à-vis de nous. Pendant longtemps nous étions en position de force parce nous pouvions changer le prix de l’or de manière quasi-illimitée. Cela n’est plus possible, ce n’est plus acceptable…

Il existe aussi un mémorandum déclassifié, daté du 6 mars, 1974, dans lequel un autre haut-gradé américain, le sous-assistant-secrétaire d’État pour la Finance et développement international (Weintraub), a écrit au sous-secrétaire au Trésor pour les Affaires monétaires, Paul Volcker (qui allait devenir président de la Fed), pour expliquer l'intérêt de l’activité de la Réserve fédérale sur le marché de l’or. En voici une partie importante :

« Les objectifs des États-Unis pour le système monétaire international – un système durable, stable, avec les DTS (Droits de tirage spéciaux) en son centre comme actif fort de réserve – sont incompatibles avec le rôle important que joue l’or en tant qu’actif de réserve… Les États-Unis s’inquiètent que toute augmentation substantielle dans le prix auquel les transactions officielles d’or s’effectuent en renforceraient le rôle dans le système, et nuirait aux DTS.

La situation financière mondiale est aujourd'hui beaucoup plus instable qu’elle ne l’était en 1974. Nous faisons face à un flux qui pourrait s’avérer fatal pour le système actuel. Des niveaux extraordinairement élevés de dette, en temps de paix, étouffent virtuellement toutes les nations occidentales, y compris les États-Unis. L’euro pourrait s’effondrer bientôt. La Chine et la Russie ont hâte de sauter sur l’occasion et de semer la pagaille. Elles veulent détrôner le dollar US, car elles considèrent que les États-Unis profitent d’un privilège exorbitant en pouvant émettre la devise de réserve mondiale.

Dans un autre document déclassifié, alors qu’il expliquait à Ken Rush, sous-secrétaire d’État de Kissinger, comment les États-Unis « s’occuperaient » des pays qui continueraient à mettre de la pression pour que l’or refasse partie du système monétaire, ce même Thomas O. Enders déclarait :

Enders : Je crois que nous devrions envisager sérieusement, Ken, de vendre l'or américain en grandes quantités sur le marché pour en finir avec l’or une fois pour toutes.

Rush : Je ne suis pas certain que nous pourrions réussir.

Rush craignait que les réserves ne soient pas suffisantes. À cette époque, les États-Unis intervenaient ouvertement sur le marché de l’or. Plus maintenant. Les politiciens ont trouvé une manière différente. Les contrats à terme d’or-papier ont remplacé les interventions ouvertes. La livraison fictive du COMEX permet aux contrats à terme de servir de substitut psychologique à l’or physique. Avec pour résultat que le marché mondial de l’or accepte les prix du COMEX, même si le prix ne reflète pas la véritable offre et demande.

Certaines fois, la Fed a mal contrôlé l’or, et elle a même déclenché un arrêt des ordinateurs du COMEX. Mais, en général, la mission a été accomplie de façon brillante. Jeudi le 11 avril, 2013, par exemple, les dirigeants de chaque institution Too Big to Fail ont rencontré le président Obama et son secrétaire-trésorier. Le jour suivant, vendredi 12 avril, le COMEX a ouvert avec une vente soudaine à découvert de 3,4 millions d’onces (100 tonnes) d’or. Deux heures plus tard, d’autres ventes de 10 millions d’onces (300 tonnes) ont frappé le marché en seulement 30 minutes de trading. Naturellement, le prix de l’or a chuté comme une pierre, en dépit d’une importante demande physique mondiale.

Ensuite, lors du second trimestre 2013, les « gourous » de la Bourse nous annonçaient que l’or avait été torpillé par la position du soleil, de la lune, des étoiles, et quoi d’autre, incluant les soi-disant « Elliot Waves » jusqu’aux « modèles de confiance économique ». Quelques-uns ont même prétendu que cette baisse venait d’un désir moindre de posséder de l’or par un monde qui fait maintenant confiance aux banques centrales. Et cela a été dit, incroyablement, durant une explosion jamais vue des ventes d’or physique ! Comme d’habitude, les zombies des grands hedge funds de Wall Street ont tout gobé et ont coopéré en prenant les positions vendeuses du COMEX.

Il est probable que la politique actuelle du gouvernement américain soit dû à la pression externe. Deux principaux fauteurs de troubles, la Russie et la Chine, veulent détrôner le dollar US. Ni une, ni l’autre ne peuvent le faire avec une devise fiduciaire suffisamment crédible pour s’attaquer au dollar US. Leurs vieux systèmes politiques, visiblement autoritaires, empêchent la reconnaissance de crédibilité du monde extérieur. Alors les deux s’affairent à se procurer de l’or au meilleur prix possible. Pour elles, l’or est perçu comme la clé qui leur permettra d’atteindre leurs visions d’une distribution "plus équitable" de la puissance mondiale.

Pour accomplir leur objectif, elles devront sûrement entreprendre des mesures pour stabiliser le prix de l’or. Une stabilisation du prix augmenterait la crédibilité de l’or et éliminerait les années de dommage découlant de la politique américaine visant à faire sortir l’or du système financier. Mais il n’y a pas urgence. Contrairement aux planches à billets (papier ou électroniques), une forte demande d’or physique épuisera même les plus grandes réserves d’or. Il n’y a qu’à attendre.

Et, à plus long terme, ce qui rend la chose pire encore pour ceux qui ont des positions vendeuses sur le COMEX, l’offre mondiale d’or va diminuer rapidement. Le rapport 2014 de la Society of Mining Professors, utilisant des données de Crédit Suisse, Morgan Stanley, Société Générale (SG), AME et Bloomberg, a déterminé que l’offre mondiale d’or (des mines, du recyclage, des ventes d’ETF, et le hedging) était d’environ 4 476 tonnes en 2012, 4 850 en 2013, 4 155 en 2014, et sera d’environ 3 845 tonnes en 2015 et 3 585 tonnes en 2016.

Selon le Shanghai Gold Exchange (SGE), les retraits du SGE sont à peu près équivalents à la demande actuelle d’or de la Chine. 2 102 tonnes ont été retirées en 2014. Du 1er janvier au 16 mai, 2015, 858 tonnes ont été retirées, ce qui signifie que la demande pour 2015, à la même date, est en hausse de 9% par rapport à 2013 et de 19% par rapport à 2014. Bloomberg Intelligence rapporte que les réserves nationales d’or de la Chine ont augmenté d’une quantité quasiment identique à la production locale chinoise des six dernières années.

Pour faire court, disons que les Chinois achèteront bien plus que 2 102 tonnes d'or en 2015. Mais, pour demeurer ultra conservateur, utilisons les données de 2014. La demande d’or en Inde pour 2015 se situe entre 900 et 1 000 tonnes. Le problème de la contrebande d’or pour éviter les taxes élevées pourrait même faire grimper ce chiffre. Mais encore, pour demeurer ultra conservateur, utilisons les données de l’an dernier, soit 842,7 tonnes.

Je ne me suis pas servi des données du World Gold Council (WGC) pour la Chine, parce qu’ils ont notoirement manqué de précision par le passé. Ils ont été forcés, par exemple, de réviser leurs chiffres à la hausse lorsqu’ils ont été confrontés aux arguments de Koos Janssen. Par contre, les statistiques du WGC hors de la Chine semblent assez précises. Selon leur publication, en 2014, la demande des consommateurs en dehors de la Chine et de l’Inde s'élevait à 1 506,4 tonnes métriques. De plus, au-delà des consommateurs, le FMI a rapporté que, en excluant la Chine, qui n’a pas fourni de rapport, les banques centrales ont acheté 267 tonnes métriques d’or en 2014.

Si l’on additionne la demande mondiale totale, nous arrivons à 4 451,1 tonnes, contre une offre d'environ 3 845 tonnes. Souvenons-nous que la demande a déjà fortement augmenté en Chine et en Inde, de 2014 à 2015, en un an. Mais, même en utilisant ces bas chiffres de l’an dernier, il y aura un manque d’au moins 606,1 tonnes en 2015. Plus les années passeront, et plus ce déficit augmentera. En supposant que la demande d’or continuera dans la même tendance qu’au premier trimestre 2015 au cours de l’année, elle atteindra environ 5 200 tonnes, tandis que l’offre sera encore de 3 845 tonnes, ce qui signifie que le déficit sera de 1 345 tonnes.

Qui va donc combler ce manque d’or ? D’où cet or viendra-t-il ? Probablement du même endroit que par le passé, lorsque ce manque était bien plus léger. L'or viendra des réserves des États-Unis sous la forme de location swaps et de quality swaps avec JP Morgan, les coffres de la Banque d’Angleterre et d’autres. De façon évidente, il existe une limite pratique à tout cela. Environ 8 133,5 tonnes d’or ne peuvent durer éternellement, surtout avec un raz-de-marée de demande d’or et une offre en berne.

Nous savons que cette stratégie de swap a été employée au moins depuis 1995, alors que la demande physique était beaucoup plus faible. Le fait que les prix de l’or aient augmenté autant entre 2001 et 2011 indique que les officiels américains ne sont pas prêts à se débarrasser de leur or jusqu’à la dernière once. Les officiels de l’administration Bush n’étaient pas si stupides. Tout le monde sait que seul Dieu pourrait créer plus de ce métal jaune. Contrairement au dollar, l’or ne peut être imprimé.

Apparemment, pour le moment du moins, le COMEX est considéré comme une institution Too Big to Fail. Donc, pour un bout de temps, il sera une alternative sûre au LBMA pour satisfaire les besoins des grandes institutions assez intelligentes pour s’en servir. Les institutions peuvent acheter jusqu’à la limite de positions de 9,3 tonnes par mois. Lorsque les politiques de l’administration changeront, il pourrait y avoir des règlements cash forcés, mais cela n’arrivera pas tout de suite. Lorsque cela arrivera, cela arrivera aussi à la LBMA.

L’ancien sous-secrétaire d’État, Ken Rush, aura finalement eu raison, et cela obligera les américains à revoir leur politique envers l'or. De passer des interventions directes à des interventions secrètes a repoussé l'échéance, mais ce sera une tâche impossible que de renflouer le manque d’or à venir. Ce qui reste dans les réserves d’or américaines ne suffira pas. Cela ne veut pas dire que le dollar US sera détrôné. Cela veut dire que le gouvernement se doit d’ignorer l’or, non seulement en paroles, mais aussi dans les actes. Si des politiques fiscales et monétaires sobres remplacent l’intervention, les États-Unis conserveront le pouvoir de déterminer la nature des réserves mondiales.

Les grands perdants seront sans doute ces hedge funds toujours à l’affût d’argent rapide, qui semblent maintenant détenir la vaste majorité des positions vendeuses du COMEX. Même si leurs courtiers compensateurs semblent avoir été récemment sauvés, lorsque les politiques de l’administration changeront, ils seront pris avec un sac vide. Et, même si leurs positions pour le mois de livraison seront réglées par une somme d’argent établie par le COMEX, ces hedge funds ne pourront pas se retirer assez rapidement des prix augmentant très vite sur leurs positions pour les mois de non-livraison.

L’écart énorme entre l’offre et la demande signifie que le puits s’asséchera et que les politiques actuelles doivent changer. Cela signifie aussi que l’or physique et les parts des minières aurifères sont actuellement une belle opportunité. Il n’est pas étonnant que l’ancien président de la Fed, Alan Greenspan, quand on lui a demandé son opinion sur les prix de l’or, a simplement répondu laconiquement qu’ils se dirigeaient « beaucoup plus haut ».

 

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