C'est une première : la Banque centrale européenne (BCE) demande à la Deutsche Bank de calculer l'impact d'une vente de ses positions de trading, alors qu’elle envisage un retrait de la banque d'investissement. Il s'agit de voir si la première banque allemande peut sortir de cette activité sans recourir à la garantie de l'État ou à l'argent des contribuables allemands. Ce sont en particulier les risques liés au débouclage des produits dérivés qui inquiètent le plus : nous en avons parlé dès 2013, la Deutsche Bank est la banque la plus exposée aux produits dérivés dans le monde, avec un montant estimé à 64.000 milliards de dollars, soit 16 fois le PIB de l’Allemagne…

Mais n’est-il pas déjà trop tard ? La Tribune cite un analyste reconnu, Stuart Graham d'Autonomous Research, qui estime que la banque allemande est probablement "au-delà du réparable". Selon la Süddeutsche Zeitung, "la Deutsche Bank est l'une des institutions financières les plus dangereuses du monde en raison de son activité complexe."

La banque de Francfort collectionne en outre les litiges et les procès : depuis 2012, elle a dépensé plus de 20 milliards d'euros en frais juridiques, soit bien plus que les capitaux apportés par les investisseurs sur la même durée... En janvier 2017, elle a payé une amende de 7,2 milliards de dollars aux autorités américaines pour solder la crise des subprimes. Avec des condamnations liées à la manipulation du LIBOR et des métaux précieux, la banque allemande se retrouve dans tous les mauvais coups.

L’accumulation de ces mauvaises nouvelles a amené Standard & Poor’s, le 13 avril, à placer la note à long terme (A-) sous "surveillance avec implication négative". Le cours de l’action marque une défiance massive des investisseurs : à environ 11 euros, il se situe à peine au-dessus de celui de septembre 2016, une époque où le spectre de Lehman Brothers planait au-dessus de l’institution financière. Déjà en 2015, la banque avait échoué aux stress tests de la Fed... décidément la Deutsche Bank ne parvient pas à se sortir de la crise.

Comment réagit la Deutsche Bank ? Comme une banque normale, c’est-à-dire sans rien céder à la structure oligarchique et aux détestables habitudes de la haute finance internationale : le patron, incapable de redresser la situation, le Britannique John Cryan, est licencié le 9 avril, mais avec une indemnité de départ de 9 millions d’euros, bien sûr. Il est remplacé par l’Allemand Christian Sewing, un pur produit de la banque, qui y a fait toute sa carrière... on peut donc compter sur lui pour révolutionner les comportements… Comme pour rajouter au grotesque de la situation, l’Américain John Thain, nommé au Conseil de surveillance ; est celui qui dirigeait et a coulé Merrill Lynch au moment de la crise des subprimes en 2008, avant d'être viré de Bank of America, l’acquéreur, pour sous-estimation des pertes et attribution de gros bonus. Un connaisseur, donc.

À la place des clients de la Deutsche Bank, on s’inquiéterait. De nombreuses banques européennes sont malades, notamment en Italie, en Grèce, en Espagne, mais la Deutsche Bank, qui se trouve au cœur de l’économie la plus importante et la plus compétitive d’Europe, est LA bombe atomique qui pourrait provoquer une crise financière mondiale, comme Lehman Brothers à son époque. Si même le placide et nonchalant Mario Draghi commence à s’inquiéter…

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